Jeudi 18 Juin (J-4). D'habitude je fais cinquante heures par semaine, au lieu de trente. Exceptionnellement, cette semaine et la semaine prochaine seront "normales," pour ainsi dire. Elle voulait que je fasse cinq heures, six jours par semaine. Comme depuis le temps, je commençais à connaître l'oiseau, je savais que ce serait pas le cas. Je lui ai donc demandé à faire six heures cinq jours par semaine. J'ai bien fait. Ça m'a permis d'avoir un aperçu de ce qu'auraient dû être les semaines précédentes: huit heures par jour. J'ai jamais fait huit heures. C'est maintenant que je suis censée être à six que je les fais. C'est bien, ça me fait des journées light. Bref, mon temps de travail importe peu. Après tout je m'en moque, en plus d'un mois de congé, elle me devra de l'argent. C'est pas plus mal, le train, c'est pas gratuit. Et puis, c'est pas le sujet. Ce paragraphe, c'était juste pour que vous compreniez pourquoi, aujourd'hui encore, je suis de repos.

      Pour rendre mon jour de liberté reposant, je me lève à 4h du matin. Je déjeune, je prépare tout, et je pars. Avec mon chapeau, bien sûr. J'étais loin de me douter que le soleil pouvait être si violent à 5h45. Surtout un jour de congé, en fait. Je suis pas habituée.

      Cette fois-ci, j'ai opté pour le sac de randonnée, ça fait plus sportif de haut niveau que le sac à main. Et puis, je voulais prendre le trépied, alors me promener avec un seul sac, c'est moins encombrant que trois, n'est-ce pas?

     Pour sortir du métro, j'écoute mon Instinct: je suis les panneaux Summer Palace. Je me dis que pour trouver le Palais d'été, c'est mieux. C'est gentil à eux de l'avoir indiqué, parce que sortie A, B, C ou D, c'est pas précis. Par contre, une fois que t'es dehors, t'as plus de panneaux. Alors tu suis ton Instinct... À gauche? D'accord. Non, attends. Toi, je te fais plus confiance. J'ai pas fait 10m, mais je m'arrête, parce que, pardonne-moi de te dire ça, ô cher Instinct, mais tu n'es pas fiable. Je regarde mon plan.

      Cinq minutes plus tard, quand je pense enfin avoir éventuellement compris où je suis, je fais demi-tour. Je remonte mes 10m de rue, et je fais face au passage piéton. Oh, le panneau avec le nom de la rue, qu'il est joli. Je regarde mon plan. Oh, y'a pas les noms des rues, comme c'est dommage... Ou plutôt si, ils y sont, mais pas tous. Et bien sûr, pas ceux que je veux. Et il y a un autre défaut: si je regarde bien, sur mon bout de papier, à la sortie de la station, il y a quatre rues, alors que si je regarde autour de moi, j'ai le choix entre trois. Euh... Problème.

      Dix minutes plus tard, je commence à m'inquiéter. J'ai beau me tourner, me retourner, tourner mon plan... Je sais pas où je suis. Je devrais peut être traverser et aller en face? Ah, mais c'est pas vrai! Tu vas te taire toi? Méchant Instinct! Tu vois pas que j'essaye de me concentrer? Arrête de me perturber.

      Quinze minutes plus tard, je fais toujours face à mon passage piéton. Alors, on tourne le plan, on le retourne... Oh, comme il est joli le verso... Y'a un zoom. Et... Oh... À la sortie de la station, y'a trois rues dessinées... Évidemment, il fallait pas aller à droite, ni en face, mais à gauche. En fait, j'ai pas besoin de plan, il faut juste que je suive ma dernière idée.

     Mais que vois-je? Ma surprise est sans limite: des panneaux indiquant Summer Palace! Ça alors, si je m'y attendais...

      Si j'avais fait mes 10m dans l'autre sens, j'aurais gagné une demi heure.

     Mercredi 17 Juin (J-5). Vous me l'auriez dit, je ne l'aurais pas cru. Mais pire que les pièces à vivre, ça existe. C'est à l'étage que ça se passe.

      Des plombiers réparent un des éviers, qui est inutilisable. La mère dit quelque chose aux petits, et ils se précipitent vers les escaliers. Je leur demande donc si nous allons jouer à l'étage. Dix me dit d'interroger sa mère et s'enfuit. En regardant autour de moi, je dois avoir l'air un peu perdue. Je n'ai jamais gravi les marches du Grand Escalier de Marbre, et je ne sais pas si j'en ai l'autorisation. À mon regard, la mère comprend de suite* et me dit que je peux y aller.

      L'escalier se trouve dans une sorte de tour, et est donc en colimaçon. Trois ou quatre marches avant l'étage, une porte est ouverte. C'est une pièce immense, supposée être une chambre, mais avec un demi millier de cartons entassés sur les côtés. Une fois en haut, je regarde autour de moi pour n'y trouver que du vide et des cartons... Et aussi un volant sur le lustre. Ça, c'est les vestiges de la partie de badminton de Dix avec son père...

      Je suis Six dans une grande pièce presque vide. Il n'y a qu'un lit, une petite bibliothèque, quelques jouets par terre, et de la poussière. Surtout de la poussière. Beaucoup de poussière. Je vous rassure, ce n'est pas une chambre d'enfant, juste une salle de jeu. Enfin, je crois. Je veux dire, j'espère. Et puis, même... Ils espèrent pas me faire jouer par terre j'espère?

      Je m'approche peu à peu de la certitude que je vais rentrer avec quelques allergies... Je n'en avais pas en partant, mais ça, c'était avant. Cet après-midi, je le passe à tousser. À tel point, que la mère me demande si je suis enrhumée. Non, non, c'est juste que... Je suis peut-être pas allergique à la poussière (pour l'instant), mais je suis pas non plus vaccinée... Ou non. Je vais peut-être pas le dire comme ça, faudrait pas qu'elle le prenne mal...

* Les regards, ça passe vachement mieux que les mots ici. En tous cas c'est plus rapide: elle a compris sans schéma.

      Mardi 16 Juin (J-6). Normalement, j'ai réussi à supprimer un repas de plus: les jours où j'ai Chinois, je ne mange pas à midi. Juste des fruits ou ce que je trouve... J'ai pas le temps, elle veut que je fasse huit heures par jour, sauf que je fais toujours plus*, qu'ils ont tendance à pas se lever tôt et je ne veux pas finir après 20h. On dirait pas comme ça, mais j'aimerais bien faire semblant d'avoir une vie un peu de temps en temps... Faut que je fasse mon sport, qu'éventuellement je me détende, et puis j'ai un blog à tenir, moi, mince! Les gens se rendent vraiment pas compte...

      Bref, tout ça pour dire que finalement vous devriez me reconnaître à mon retour. J'avais peur que ce soit pas le cas, parce qu'il se trouve que trop de gras ne tue pas le gras...

La pensée profonde du jour: Vous savez, plus le temps passe, et plus je me dis que "je crois qu'il n'y aura pas de voyage de retour, Monsieur Frodon." ** En tous cas, pas pour les culottes trouées et les chaussures sans semelle, ça prend de la place pour rien dans la valise... Je pense que les T-shirts à mites resteront ici aussi. Pas nécessairement à Pékin, ils m'accompagneront lors de mon périple, donc j'en sèmerais peut-être un peu partout en Chine, histoire de marquer mon passage... Et puis pas tous non plus, il faut que je ramène à ma sœur ceux qu'elle portait quand elle était au collège. C'est à dire il y a presque vingt ans. Je suis plutôt fétichiste comme fille, vous aurez remarqué. J'ai du mal à me défaire des choses, à partir d'un certain point, c'est sentimental...

* Quand je dis que je fais plus, c'est plus neuf heures (parfois dix), que huit heures cinq.

** Sam Gamgee (Sean Astin), Le Seigneur des anneaux: Le Retour du roi.

     Toujours Lundi 15 Juin (toujours J-7). Ma promenade, qui consiste à ne pas suivre mon guide lorsque j'arrive dans une grande avenue, me conduit plutôt dans une petite rue parallèle, du genre de celle de mon taudis*, mais en mieux. Beaucoup plus étroite, avec beaucoup plus d'OVENI** et beaucoup plus de ruine... et deux hommes qui étalent des... cheveux(?) par terre, et qui les nouent. Ben écoutez, faites-vous plaisir...

      Parallèle, parallèle... Pas si parallèle que ça la rue quand même. Au début si, mais après beaucoup moins. D'ailleurs, pour être honnête, ça m'inquiète un peu, jusqu'au moment où... ouf! Ça retourne à gauche, je vais pouvoir rejoindre mon avenue. Je la vois, là bas au loin.

      Allez, reprenons notre route. Euh... Pourquoi y'a une chaise de bureau sans pied à moitié morte installée là Maman? Le trottoir comptant deux marches, elle est à bonne hauteur si on veut s'y asseoir, mais je dois avouer que là, maintenant, de suite, elle me laisse perplexe...

      Je marche, je marche... Il commence à faire faim, il faudrait que je trouve des toilettes pour aller laver ma pomme. Alors, mon plan me dit de tourner là, puis tout droit... Ici... Oh une église. C'est pas comme ça les églises normalement... En tous cas, pas chez moi. La maison moderne au lieu du bâtiment en pierre avec un haut clocher et une grande porte de bois, ça fait bizarre.

      Ah! Voilà la rue Qianamen. Qu'est-ce qu'il me raconte mon Guide Bleu? Un taxi ou un bus? Mais il est pas fini, ça m'a pris à peine plus d'une heure et demi pour arriver depuis le Parc Longtan. Et lui il voulait que je me fasse emmener jusqu'à l'autre bout de la rue. Vous imaginez? J'aurais pas vu les cheveux, ni la chaise et peut -être même pas l'église. Suivre un guide, c'est vraiment un coup à rater sa journée. Je vais la remonter à pied ta rue, y'a pas le feu au lac! Par contre, y'a plein de boutiques à touriste. Attendez, vous êtes fous? Moi j'achète rien là dedans, c'est les mêmes prix qu'en Europe!

      Oh, qu'il est joli le service à thé... Mince! La Madame elle m'a vue loucher dessus, et elle m'a attrapée au vol. "Ah, non, merci, c'est trop cher," je le paierais le même prix en Europe, vous comprenez bien que je vais pas l'acheter en Chine: 200 yuans, ça fait plus de 20 euros. "À quel prix vous le voulez? Je peux faire un prix spécial pour vous." Ouais, bien sûr, un prix spécial rien que pour moi. Comme c'est gentil. Et parce que je suis naïve, je te crois. "Je le prendrais pas à plus de 100 yuans." "Je peux faire un prix spécial pour vous." Oui, c'est bon, j'ai compris merci. "Regardez. Pour vous." Elle me montre sa calculatrice: 180. Euh, y'a un truc que tu comprends pas dans 100 yuans? Bien sûr, elle me lâche pas. Sa calculatrice sera passée par presque tous les nombres à trois chiffres qui commencent par 1 et finissent par 0. Et bien sûr, à chaque fois: "Pour vous, pour vous." Oui, je sais, c'est gentil. Je me doute bien que tu es tombée folle amoureuse de moi dès que tu as croisé mon regard de braise, et que tu as donc une profonde envie de me combler de bonheur en me vendant ton service à thé à un prix exceptionnel, sinon à perte. J'y peux rien, je fais cet effet là à tout le monde.

      100 yuans plus tard, je ressors de ma boutique à touristes avec ma brique de yoga dans le même sac que mon service à thé. Jusque là, je la portais sous le bras, comme on porte une pochette. Sauf que sur la mienne, y'avait pas marqué Chanel. C'est tout moi, ça. Fashionista jusqu'au bout. Avec le masque de survie rose, les lunettes de soleil et le chapeau, ça en jette. Je vais lancer une mode. Si on rajoute la GoPro accrochée au sac et le plan de la ville en main, c'est parfait. Je me demande vraiment pourquoi j'ai pas encore été invitée à la semaine de la mode à Paris... Même les professionnels ne savent pas reconnaître une artiste quand ils en croisent une, c'est pas possible.

      Heureusement, la vendeuse, elle, l'a sut. C'est pour ça qu'elle m'a vendu son service moitié prix, elle a dû penser que j'étais mondialement connue dans l'univers de la mode, et elle a pensé que ça lui vaudrait un ticket. Tu parles! À mon avis, elle a très bien gagné sa vie dessus. Et moi qui étais gênée parce que je trouvais que moitié prix, c'était trop demander... J'étais sûre qu'elle accepterait jamais. Ben du coup, je me suis faite avoir. Elle m'a tenue au moins 20min, je pouvais pas le lui laisser alors qu'elle me le faisait au prix que je demandais... Comment je vais ramener ça, moi?

      Bon, arrivée au bout de la rue Qianamen, il me dit quoi mon guide? "Vous pourrez déjeuner dans un des nombreux restaurants..." Tiens, ça me fait penser que j'ai pas mangé depuis 4h ce matin. Et après? Dashalan? Génial, c'est une petite rue! Je vais pouvoir me perdre. En fait non, c'est bon. Ils en avaient des jolies choses. Mais j'ai rien acheté, je suis restée sage. Et maintenant? Si vous avez encore de l'énergie... Comment ça si j'ai encore de l'énergie? C'est quoi ce guide qui veut me préserver? Bien sûr que j'ai de l'énergie! Ça ne fait jamais que sept heures que je marche. De l'énergie, j'en ai à revendre.

      Donc, avec l'énergie, il faut "pousser jusqu'à Liulichang," la rue des antiquaires. Ben on va aller y faire un tour... Inutile de vous dire qu'arrivée au bout, je suis assez fatiguée. Il est temps de rentrer. Mais auparavant, achetons une bouteille d'eau, ça commence à être dur... Euh, dis-moi, tu es sûre que tu te moques pas un peu de moi en voulant me vendre tes 50cl 4 yuans, Madame? Tu m'as prise pour une touriste ou quoi? Tu veux pas marchander? Très bien, au revoir alors. Tu es quand même sacrément blonde, deux boutiques plus loin, c'est 1 yuan les 50cl...

     Alors, il faut aller tout droit... Quelle jolie petite rue. De l'encre à gauche, de l'encre à droite, de l'encre partout, des éventails peints à la main, des gentils vendeurs qui ont un convertisseur intégré... 20€? Ah, oui, t'as raison, ça fait pas cher du tout l'éventail... Sauf qu'ici, je suis payée en yuans, alors j'ai pas 20€ sur moi. Et je l'achèterais jamais à ce prix là en France, alors t'imagines en Chine? Tu peux le garder ton éventail. Lui aussi, il m'a prise pour une touriste. On se demande bien pourquoi... Qu'est-ce que c'est qui m'a trahie? Le chapeau, le masque ou les lunettes de soleil?

      Ah, la rue du métro! On marche un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, et nous y voilà! J'aurais pas été contre un siège, si seulement il y en avait un de libre... Il y en a plusieurs dans le dernier métro, car je le prends au départ. Merci pour mes pauvres jambes. Tous les sièges étant à présent occupés, je vois quelqu'un se lever pour laisser la place à une dame âgée qui vient de rentrer. Au même moment, une femme manquant sérieusement d'éducation prend ce même siège, qui n'était clairement pas pour elle. Je me lève donc, et tant pis pour mes jambes, elles n'auront qu'à souffrir, elles sont plus à ça près. Évidemment, la dame se confond en remerciements. Quand je pense qu'on chante les louanges des Chinois... L'autre, elle a oublié d'être gentille.

      18H30. Enfin à la maison. Bon,ben je vais aller laver ma pomme. Depuis 4h, ça commence à faire long. Mais auparavant, quelques exercices de contorsion. Pas beaucoup, trois ou quatre, histoire d'inaugurer mes nouveaux jouets. Je sors mon tapis rose, ma brique bleue et mon élastique violet. Fashionista: le retour.

*Qu'on se le dise, c'est pas vraiment un taudis, ça c'est juste un petit nom affectueux que je lui donne. J'ai quand même plus de 20m² pour moi toute seule. Bon, c'est vrai que j'en utilisais pas l'intégralité. J'en avais désinfecté une partie, mais pas tout quand même, faut pas exagérer.

**Objets Variés Entassés Non-Identifiés.

     Lundi 15 Juin (J-7). Ah! Un jour de repos! Ça va être reposant vous croyez? L'avenir nous le dira.

      6h du mat'. Le soleil est loin de briller de mille feux. Mais, cette fois-ci, il est hors de question que je me fasse avoir. Je pars donc avec mon chapeau et mes écouteurs*, sans oublier la GoPro accrochée au sac à main afin de montrer au monde entier que je suis une sportive de haut niveau. C'est plus classe que fixé sur un casque, non? Et surtout, le plus important: comme une vraie journaliste, j'ai pris mon dictaphone avec moi afin que vous ne manquiez rien de mes palpitantes aventures. C'est pas gentil et attentionné tout ça?

Mon programme du jour

     Je prends le métro** pour aller au centre de Pékin (le Sud Est du centre, pour être précis: selon mon application smart phone, ça prend 64min). De là, je vais soit au Temple du Ciel, soit au marché aux oiseaux, et j'enchaîne avec le Parc Longtan. Ensuite, je rouvre mon guide qui me dira où aller, et je m'arrête chez Décathlon en rentrant. Il me faut une brique de yoga et un élastique de musculation.

Ma journée dans les faits

     Je prends le métro pour aller au centre de Pékin (1h30 de trajet à peu près, elle est pas trop au point mon application). De là, je regarde mon plan: je sais pas où je suis. Bon, ben je vais marcher. Je pars à droite. Au bout de trente seconde, je réalise que mon instinct m'a dit de prendre à droite. Je fais donc demi-tour. Je fais bien. Qui a dit "la première impression est toujours la bonne"? Parce que je crois qu'il faudrait informer cette charmante personne, que c'est pas vrai pour tout le monde.

      J'arrive à un croisement. Alléluia! Je ressors mon plan. J'arrive pas à savoir où je peux trouver le Temple du Ciel, mais concrètement, si je vais par là, je devrais arriver au Parc Longtan... Eh, oui! C'est magnifique. Il n'est que 8h30, mais il y a déjà du monde. C'est assez calme, on ne se croirait pas en ville. Des gens sont assis sur des bancs, courent, où font de la musculation***. Des personnes âgées font leur heure de TaiChi quotidienne (ou autre art martial trop lent pour les gens stressés et hyper-actifs) alors qu'un homme joue de la musique. Dommage que vous ne puissiez pas avoir l'odeur, mais j'allume ma GoPro et mon dictaphone, histoire que vous ayez l'image et le son...

      Bip bip! Oups... Eh, bien ça a pas beaucoup d'autonomie ces machins-là. J'avoue que j'ai pas trop vu le temps passer, mais quand même... C'est pas grave, j'avais presque fini de filmer Longtan, je pars à la recherche du marché aux oiseaux, et je consulte mon guide. J'irai pas au Temple du Ciel, tant pis. Une autre fois, c'est mieux d'attendre de pouvoir filmer, non? Après tout, c'est mon devoir de journaliste-camérawoman. Ça y'est, je viens d'inventer un nom de super-héroïne. Il me plaît, je vais le garder.

      Comme le thème de cette partie, c'est "dans les faits", je me dois de vous informer, que le marché aux oiseaux, j'en vois pas la couleur. Je m'assois sur ma murette, j'ouvre le Guide Bleu, et je le suis. Ou presque. Il y a un super plan qui indique une promenade à faire. Ils disent de prendre le bus ou un taxi pour en faire une partie à cause des longues distances. Genre le guide il m'a prise pour une petite joueuse, mais il sait pas qu'en vrai je suis une warrior.

      Je tombe d'abord sur la rue de mes rêves: des boutiques de sport tout le long. En voilà une coïncidence qui tombe à pic, j'aurais pas besoin d'aller chez Décathlon. Enfin, j'espère... Ah c'est bon, j'ai réussi à trouver une des rares boutiques qui vend des briques de yoga. Et les élastiques, vous connaissez pas? Enfin! J'y croyais plus... Me voilà dans la seule et unique boutique dans laquelle on peut trouver des élastiques de musculation. Vous avez raison, surtout ne les mettez pas en évidence, on pourrait vous les acheter. Heureusement que mon intelligence avait enregistré une photo sur mon portable... Parce que je suis pas encore bilingue, je sais pas dire "élastique de fitness" en Chinois.

      En suivant mon guide pour me rendre à Qianamen, je tombe sur le Temple du Ciel. C'est bien, je saurais où il est. Le comble c'est quand même qu'il y a une sortie de métro pile à l'entrée. Et quand t'es sous terre, ils peuvent pas te l'indiquer? Non, c'est compliqué de faire un panneau avec marqué Temple of Heaven dessus. Ne rendons pas la tâche trop facile aux touristes, c'est tellement drôle quand ils se perdent. Et puis, que serait une ville touristique sans quelques centaines de pommés qui consultent leur carte dans le vent? D'ailleurs, en parlant de ça, alors que je consulte ma carte, le vent se lève. J'empêche donc mon cher chapeau de s'envoler avec la main même qui tient ma carte. Ma fibre artistique me l'a susurré, mais j'aimerais votre avis. Vous trouvez pas que ça donnerait super bien ce plan, en contre plongée? On s'y croirait presque, hein? Moi, en tous cas, oui. Et puis, c'est mon délire à moi, ça me fait passer une bonne journée.

      Ben quoi? Je vous l'ai dit, je vais le faire ce film. Attendez, vous vous rendez pas compte, avec tout ce qu'il m'arrive... Et le coup de la carte, du chapeau et des cheveux au vent, si c'est pas un signe... En plus y'a Lady Gaga qui vient à l'avant-première, je peux pas laisser passer une chance pareille!

* Naturellement, je commence avec Céline Dion, les petits m'ont donné envie... Elle est fatale cette chanson. Comment bien commencer la journée, Mode d'emploi. Je suis très douée pour à peu près tout ce qui s'apparente à quelque chose de stupide. Mais si y'avait que ça... Comme par hasard, ça s'enchaîne avec... Barbara. Mon mp3 est un meurtrier en puissance. Avec une playlist comme ça, c'est plus les larmes qu'il y a au programme, c'est carrément la tentative de suicide... (Heureusement pour vous, je l'ai ratée.)

** À condition de le trouver... Quoique maintenant, il devrait plus y avoir de problème. Enfin, j'espère...

*** Oui, parce que, à Pékin, dans les parcs, il y a des appareils de musculation en libre service. Après, vu la résistance, je suis pas sûre de l'efficacité de la chose... Mais c'est génial, non? Pourquoi j'en ai pas, moi, de barre de traction et de vélo elliptique dans le parc à Rose Garden?

     Dimanche 14 Juin (J-8). Vous vous rappelez que j'apprends au petit la comptine de Doctor Who? Depuis, je me suis occupée de sa culture musicale, on a fait deux chansons de Mary Poppins et deux autres de La Mélodie du bonheur. Je suis pas sûre que la mère réalise que son fils est loin d'apprendre ces comptines, si célèbres aux États Unis et en Angleterre... Après tout, si elle veut quelqu'un qui les connaît, il faut qu'elle prenne... une Anglophone, pas une Française. Moi, mon rayon, c'est les comédies musicales. Je peux aussi faire les chants de noël. Bref, aujourd'hui, c'est les petits qui choisissent: "Tu connais la chanson de Titanic?" Dix vient de poser la question à pas poser. Si je connais la chanson de Titanic? Non mais pour qui tu me prends? C'est Céline Dion! Bien sûr que je la connais! Et par cœur! T'as pas l'air de savoir à qui tu parles toi... "Tu peux chanter plus fort?" Ouh, là! Si tu veux, mais pas beaucoup alors. On vient d'en parler, c'est Céline Dion, moi, j'ai pas sa voix...

Une rencontre inattendue: Décidément, ce parc, je vais l'adorer. J'y ai rencontré un Américain aujourd'hui. Il est au pair, comme moi. Et il ne reste qu'un mois, comme Alice. Je crois que je suis maudite, je vais jamais réussir à me faire des amis durables... Ma destinée est de rester avec mes pairs un mois. Mais c'est pas grave! J'aurais un compagnon de visite pendant quelques semaines.

* "Tu es en sécurité dans mon cœur," Céline Dion, My heart will go on.

     Samedi 13 Juin (J-9). Je reçois un mail de mon frère: "J'illumine ta vie avec ma chanson du moment." C'est Sirens, de Cher Lloyd. Je vais l'écouter en boucle. Si je l'aime pas, jusqu'à ce que je l'aime; et si je l'aime, jusqu'à overdose. J'avoue que ça me fera un peu de mal, parce que je pourrais plus écouter Ma chanson du moment aussi souvent, mais c'est pour la bonne cause. Comme ça j'aurais l'impression d'être à la maison. Parce que, le connaissant, Petit Frère est entrain de rendre les Parents fous en l'écoutant à fond toute la journée. Elle est pas mal, je l'avais jamais entendue. Je sais pas pourquoi ça m'étonne encore quand je connais pas une chanson de quelqu'un qui est vivant...

      J'avoue que, quand j'y pense, ça m'attriste. Ma chanson du moment, c'est pas une passade: ça fait plus de trois mois qu'elle ne me quitte pas. C'est This will never change, de Holly Sherwood. J'ai dû l'écouter au moins un demi millier de fois depuis mon arrivée en Chine. Et j'avais déjà commencé en France. Comment ça vous connaissez pas cette chanson? Bande d'incultes! Bon d'accord, c'est normal. En fait il faut être très rigoureux dans l'achat de DVD en fonction d'un certain casting. C'est le thème de Lily in love. Outre le fait qu'elle soit super belle, j'ai une deuxième raison d'aimer cette chanson: elle n'est en entier qu'à la fin du film, et c'est Maggie Smith qui a la dernière réplique, alors elle parle au début. C'est bien, hein? Oui, c'était indispensable comme précision. La perfection ne tient qu'à un détail...

      Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ma chérie Anglaise n'a pas que des qualités. Vous dites que je suis pas objective, mais je vous fais mentir: je lui vois des défauts. En fait, non. Sa perfection n'est entachée que par un seul défaut: elle est née au mois de Décembre. Eh oui, vous avez bien compris, ça veut dire pas de montage. Mais ne vous en faites pas. Comme aujourd'hui, il ne s'est rien passé, que concrètement, mon article n'a pas cinquante mille raisons d'être, et que Cher Lloyd, on n'en a rien à faire, je vous l'illustre avec un édit de celle qui est considérée par beaucoup comme La plus grande actrice Britannique. Est-il utile de la nommer?

* "Je vois, alors que le temps passe, que tu brilles toujours autant pour moi." This will never change, Holly Sherwood. Il me semble très important de vous dire que dans le générique de fin de Lily in love, elle dit cette phrase au moment où Maggie Smith apparaît à l'écran. Coïncidence? Je ne pense pas.

"Why does everyday involve a fight with an American?" ("Pourquoi chaque jour implique-t-il un combat contre un Américain?"), Lady Violet Grantham (Maggie Smith), Downton Abbey, Saison 1, Episode 4.

"I won't retire," Maggie Smith. Désolée, aucun rapport, mais elle l'a dit, alors je l'immortalise afin de la remercier. Elle n'aurait pas pu me rendre plus heureuse qu'en annonçant qu'elle ne comptait pas prendre sa retraite.

     Vendredi 12 Juin (J-10). Comme aujourd'hui, je suis pas de repos, l'article sera moins long que le précédent. D'ailleurs, il est 20h30, et j'ai travaillé dix heures et demi, alors vous m'excuserez, mais là, maintenant, de suite, je vais me coucher. Bon d'accord, il est tôt, donc je vais regarder Le Patient Anglais* d'abord, mais après je dors.

La minute de fou rire: "Le gouvernement Chinois se préoccupe plus de la sécurité des habitants que de l'argent." Dixit la fille qui habite la ville la plus polluée de la planète. Merci Alex, tu me fais rêver. S'il y a un seul gouvernement au monde qui se préoccupe plus de la sécurité de ses habitants que de l'argent, je veux bien qu'on me donne son nom. Mais c'est certainement pas la Chine...

La minute de bonheur: En même temps que mon fil à linge, j'ai acheté une lampe frontale rechargeable. Je risque d'en avoir besoin pour mon périple, et si elle ne marche pas bien, au prix où c'est, je pense que je peux survivre. Il se trouve qu'en plus de bien fonctionner, c'est une lumière blanche, et pas jaune, donc c'est parfait. Après, la sangle est un peu moins parfaite, mais si la batterie tient bel et bien quinze heures, comme ils le disent, cette lampe est un très bon investissement. Ça veut dire que ma journée d'hier, elle était pas aussi inutile que ça. La minute de bonheur, c'est aussi chaque fois que je rentre dans ma salle de bain et que je vois mon linge étendu sur le fil que j'ai mis trois quarts d'heure à installer au dessus de la baignoire. Super pratique la douche: il faut pas mouiller les vêtements maintenant, en plus du sol. Mon esprit est éveillé à chaque instant. Sauf quand je me prends le fil dans les cheveux en me levant... Et mon ventilateur qui tourne pour que le linge puisse éventuellement sécher... Elle est pas belle la vie? Moi, ça me fait rêer...

La minute de désespoir: Comme si j'avais pas pris assez de poids en Australie... Arrêez de me faire manger! C'est décidé: demain, j'arrête les voyages. Qui vient avec moi au Tibet? Et en Nouvelle Zélande? Et aux États-Unis? La Thaïlande, peut-être? Ou les Caraïbes? La Russie**? Le monde est trop grand, j'y arriverai jamais toute seule... Mais sur la planète Terre, il paraît qu'il faut faire des études d'abord. Pourquoi on se prend la tête comme ça dans les pays soit-disant développés, Maman? S'il le faut, je meurs demain, et puis même si c'est pas le cas, d'ici que j'arrive à 70 ans, la retraite existera plus, alors... Je la prends en avance. Tu m'en veux pas, dis...?

* Il est tellement culte ce film, que je vous fais pas l'affront de préciser le casting. Surtout que maintenant, vous commencez à la connaître, je vous ai harcelés avec elle tout le mois de Mai... Avec raison.

** Je sais pas pourquoi, mais je rêve de la Russie depuis quelques temps. Ça doit être le soleil, j'en ai pris trop d'un coup. Mais c'est une idée qui plaît pas trop à ma mère. Elle trouve qu'il ne "faut pas aller dans des pays où ils te mettent en prison pour rien." "Ah, tu veux dire comme la Chine?" "Oui, par exemple..."

     Toujours Jeudi 11 Juin (toujours J-11). Deuxième jour de liberté, et encore une fois, deux articles pour un. Décidément, c'est les jours de repos les moins reposants.

      En sortant du métro, je tente de me repérer à l'aide de trois cartes. C'est très pratique, et comme mon expérience m'a prouvé plus d'une fois que c'était sans risque aucun, je continue. Seulement j'y arrive pas, alors je décide de partir à droite. Comme au bout de quelques mètres mon instinct exceptionnel (qui me guide nuit et jour) me dit qu'au lieu de prendre la mauvaise direction, de marcher deux heures et de faire demi tour, le plus rapide ce serait de prendre la bonne de suite, je fais demi-tour.

      Miracle! La station de métro suivante me confirme que... Mon instinct avait raison! Il va falloir célébrer ça, c'est pas tous les jours. Et mieux que ça, à côté de la station de métro suivante, il y a... un office du tourisme! Et en plus du soleil. Quand tout va bien comme ça, j'ai tendance à m'inquiéter. En général, la tuile qui vient après, elle est fatale... En ce qui me concerne en tous cas. Ou du moins, c'est ce que me dit mon expérience (qui est beaucoup plus fiable que mon instinct).

      Oh... Si c'est pas trop gentil ça! La Madame de l'office du tourisme, elle m'a donné deux cartes! C'est super, comme ça je vais pouvoir les ajouter aux autres, ça va être beaucoup plus précis. Non, c'est pas vrai, je dis ça pour vous faire peur, y'en a une très bien, je vais utiliser celle là. Enfin, si je me trouve dessus. Parce que, bien entendu, y'a pas marqué vous êtes ici... Et elle m'a aussi indiqué un bureau de poste et une librairie. Évidemment je trouve ni l'un ni l'autre, mais c'est l'intention qui compte. Et puis, j'ai ma carte.

      Tu parles! Je l'aurais pas eue, ma carte, c'était pareil. Il est 18h, je viens d'arriver à la maison, je suis assoiffée, et j'ai parcouru les derniers mètres sur l'herbe afin d'épargner mes pauvres articulations. Depuis 8h ce matin que j'ai quitté la maison, je me suis assise deux fois dix minutes pour regarder mon plan. Au moins, je saurais où est le Palais d'été pour la prochaine fois...

      Au fait, je vous ai pas dit, on aurait pu penser que, suite à l'épisode de la semaine dernière, les vigiles se seraient souvenus de moi... Tu vois pas qu'ils ont failli me refaire le même sketch? Ils voulaient pas me laisser rentrer. Ça a duré un quart d'heure maxi, mais quand même! Tu leur montres le numéro, tu leur dis "j'habite ici" cent fois en incluant le langage des signes, et eux, ils hésitent encore. Quoi? Si je suis blanche ça veut dire que je suis une terroriste, c'est ça!?

Le plus du jour: Malgré ce sentiment que j'ai de mourir de soif et d'épuisement d'ici peu, le bilan de la journée reste positif. Nous nous souviendrons de ce jour mémorable comme de celui où j'ai acheté du fil et des pinces à linge. Réaction de ma mère: "Ils font comment, eux? Et pourquoi tu fais pas pareil?" Maman, Maman, Maman... Tu comprends rien. C'est pas marrant si je fais comme eux! Ma plus grande joie sera de me rappeler de la Chine comme du pays où j'ai mis environ trois quarts d'heure à installer mon fil dans la salle de bain pour y faire sécher mon linge à l'aide d'un ventilateur (parce que sinon ça sèche pas)... et de le raconter à mes petits enfants*. Ben oui, nos grands-mères ont galéré, alors pourquoi pas nous? Vous je sais pas, mais moi, je suis jalouse. Et puis, quand la vie est trop simple, on s'ennuie à mort. Quand j'aurais les cheveux blancs, j'aurais le sentiment d'avoir bien vécu.

* J'imagine trop la scène: "Mamie, t'as fait quoi quand t'étais jeune?" "Oh, pas grand chose, je suis allée en Australie, pour apprendre à parler Espagnol, et puis aussi en Chine, où je faisais sécher mon linge comme je pouvais et me lavais avec une bassine que j'avais au préalable désinfectée une demi dizaine de fois, comme à peu près tout ce que je touchais... Ah, c'était le bon temps!"

<PS>  J'ai trouvé le titre de ma comédie musicale! On va l'appeler Voyage, Voyage. À moins que ce soit considéré comme du plagia... Pourquoi j'ai ça sur mon mp3, moi? Je comprend votre désespoir, y'a des jours où je me choque moi-même! Vous me direz, que ça m'a redonné la pèche sur le chemin du retour. Après m'être remise de ma stupéfaction, je suis partie tellement loin que j'ai carrément quitté la planète Broadway. Je sais pas où j'étais, mais en tous cas, sûrement pas dans la même galaxie que vous. Je me demande même si je suis pas allée dans un autre univers.

     Jeudi 11 Juin (J-11). Premier réflexe du matin: ouvrir les rideaux. Bonjour, soleil! C'est bien, je vais pouvoir mettre mon chapeau. Quoique, je voudrais pas tenter le destin... Oh, et puis c'est pour ça que je l'ai acheté, non? Le soleil chinois. Eh bien, il est là, alors c'est l'occasion.

      Je sors de le maison, mon chapeau sur la tête, et le soleil disparaît en même temps que le vent se lève. Je crois que je suis maudite. Je rentre poser mon chapeau et je ressors. Je fais pas trois pas que le soleil revient. C'est une plaisanterie? Oh, et puis c'est pas grave. Le temps est capricieux, mais y'a du vent, c'est donc tout à fait supportable. Continuons.

      Je sors de la résidence, et là, il tombe du feu. Comme par miracle. On se croirait dans la vallée enchantée. "Mon Petit Poney, emmène-moi dans ton pays magique..." C'est plus la peine de m'y emmener, j'y suis. Ça se passe comme dans un dessin animé: les nuages laissent place à un soleil radieux en un quart de seconde. Il manque plus qu'un arc-en-ciel, et on est au top.

      Mais plus sérieusement, c'est qui le responsable de la météo ici? Que j'aille lui expliquer ma façon de penser. Ça a peut pas être Chantal Lauby, elle a arrêté le siècle dernier...

      Mon espoir et moi partons à la recherche du métro le plus proche. Vous savez, celui qui est à 15min à pieds? J'ai bien fait de prendre mon Espoir avec moi, dans des cas comme celui-ci, on n'est jamais trop de deux. Surtout quand je participe...

      Je marche, je marche... 15min, c'est passé. Oh, une route à traverser... J'ai horreur de ça, ça veut dire danger de mort à l'horizon. Surtout quand, comme ici, y'a pas de feux. On regarde bien cinquante fois de tous les côtés, y'a personne, à part... le métro. Parfait. J'aime qu'il soit visible. Avec mes antécédents, un métro aérien, c'est mieux.

      Je tourne donc à droite et monte la rue tête baissée. Erreur fatale. Parce qu'en levant les yeux... dasapareciòn. Y'a plus de métro. Envolé. Il s'est téléporté pendant que je regardais pas. C'est pas possible, je l'ai pas rêvé quand même!? Apparemment si. C'était un mirage. Je deviens comme les mourants qui voient des oasis en plein désert. Ah, non, c'est bon. Je l'ai retrouvé. Il s'était caché derrière un arbre, le vilain. Méchant métro!

      Maintenant qu'il est revenu, suivons-le. Longtemps quand même... Aïe, ça se complique: il repart sous terre. Beaucoup moins facile à suivre d'un coup. Quelques demi-tours plus tard, je demande mon chemin à de charmants jeunes-hommes qui ne comprennent pas un mot d'Anglais. Ils m'emmènent donc à l'intérieur d'un bâtiment où une charmante jeune-femme parle Anglais. (Elle est étonnée que je sois venue ici à pieds. Je me demande pourquoi...) Elle me dit de prendre le bus ou un taxi pour aller jusqu'à la station.

     Je suis partie à 8h. Il est 9h. Ça fait donc une heure et demi que je suis à la recherche du métro (qui est à 15min de chez moi, rappelons-le). Et maintenant il faut que je parte en quête d'un bus? Eh ben, je suis pas arrivée, je vous le dis... Surtout si le métro se téléporte toutes les vingt secondes. (Il sera plus difficile à trouver, même pour un bus.) C'est pas grave, je peux tenir un moment, j'ai des provisions: une pomme, une poire, et 25cl d'eau. Vous croyez qu'on peut survivre combien de temps avec ça?

     Vous en faîtes pas pour moi. Au pire, dans une semaine, je prends un taxi... Bon, allez. Je pose mon stylo, et j'y retourne.

     Après mûres réflexion (et en considérant les choses, c'était même pas la peine de réfléchir), je décide de revenir sur mes pas afin de remonter la ligne visible du métro. Je sais pas ce que vous en pensez, mais personnellement, je trouve ça plus sûr. Mais j'ai pas trouvé ça toute seule, c'est mon expérience qui me l'a soufflé...

     10h45. Je vous écris du métro pour vous dire que si, il y a plus d'une heure, j'avais tourné à droite au Croisement des Mirages (mais si rappelez-vous, l'oasis dans le désert...), eh bien j'en aurais eu pour deux minutes montre en main. Voilà, donc si j'avais pas écouté les petites voix dans ma tête qui répétaient "tourne à gauche," je serais déjà au Temple du Ciel. Vu l'heure, j'irai une autre fois. Aujourd'hui, je me contenterai de l'Université de Pékin. Ce sera mon arrêt de métro, après, je marcherai jusqu'au Palais d'été, ça a pas l'air trop loin.

      Voilà la récompense qu'on offre au petit ange sur l'épaule droite. Deux heures de marche pour rien. Comme quoi, ça vaut pas le coup de l'écouter cet innocent. Voyons le bon côté des choses, j'ai enfin trouvé la station de métro qui est à 15min de chez moi...* Ou plutôt une demi heure, trois quarts d'heure. Il s'est trompé le père, 15min c'est en voiture, non?

* Même si j'ai mis presque trois heures pour y arriver...