Article 17: Les lois de la logique

     Supposant que c'était l'arrêt précédent, je refais le chemin en sens inverse. Je passe devant deux ou trois arrêts de bus: le bus 52 n'est noté sur aucun des panneaux. Bien, on va tenter dans l'autre sens alors, c'était peut être le suivant, en fait... Je refais le chemin en sens inverse, mais au bout d'un moment, je commence sérieusement à m'inquiéter. C'est pas seulement que le 52 n'est marqué à aucun arrêt, c'est surtout que ça fait trois quarts d'heure que je marche, et je n'ai pas vu un seul bus arborant fièrement ce numéro. Désespérée, j'envoie un texto à Alex. J'attends à peu près un quart d'heure, pas de réponse. Au moment où tout semble perdu, je lève les yeux: "Hotel". Ça aurait été si simple de faire ça plus tôt, mais il ne faudrait pas trop me faciliter la tâche. Oui, parce que pour ceux qui en douteraient, quand vous voyez le mot "Hotel" écrit en lettres d'or au dessus d'un tapis rouge dans une ville touristique, en toute logique, vous devriez trouver au moins une personne qui parle Anglais à l'intérieur. Après y'a "parler" et "parler", la communication n'est pas toujours facile. Mais c'est plus quand même plus facile que dans une langue qu'on ne connaît pas.

     Après avoir réussi à faire comprendre à la Madame, que je décrirais comme "pas totalement bilingue", que je veux prendre le bus 52, elle m'indique la direction de laquelle je viens. Je ne sais pas pourquoi je le savais, ça se passe toujours comme ça: je prends la bonne direction, je doute, je fais demi-tour... J'ignore comment je fais pour me supporter. Je repars donc dans l'autre sens. Je ne sais pas si je vous ai précisé que c'est une très longue rue. Oh, qu'il est joli le pont où je me suis arrêtée tout à l'heure, persuadée d'être allée trop loin... Et si je passais dessous pour voir? Mais que vois-je à cent mètres d'ici? Un arrêt de bus sur lequel est inscrit le numéro 52? Ma surprise est sans limite! LillyT, ma chérie, le prend pas mal, mais y'a vraiment des baffes qui se perdent...

     En montant dans le bus, je suis enchantée d'y trouver un siège. Croyez-moi si vous voulez, mais dix huit mille kilomètres à pieds, ça use les talons, même s'ils ne font que sept centimètres. Et non, je ne les enlèverai pas, ils vont trop bien avec ma veste de tailleur. Quand la voix off annonce que nous sommes arrivés à Muxidi, je me lève et vais vers la porte. Ça me prend quoi? Dix secondes grand maximum, de mon siège à la porte y'a pas une distance supérieure à celle qui séparait l’hôtel de l'arrêt de bus... Mais apparemment, dix secondes c'est trop long, le chauffeur me ferme la porte au nez. Littéralement. Je suis sous le choc. Pendant une seconde je manque de rire, parce que c'est quand même magnifique, un truc comme ça n'arrive pas tous les jours. Mais la seconde passée, je suis quand même beaucoup moins zen, et croyez-moi quand je vous dis qu'en cet instant, il a de la chance que je parle pas Chinois. Je me vois mal faire un scandale dans une langue qu'il ne comprend pas, il me répondrait dans une langue que je ne comprends pas, et on n'en finirait jamais. Je descend donc à l'arrêt suivant, qui est relativement loin, précisons-le. Je traverse la route, et marche dans la direction de laquelle je viens* en priant pour que... Merci! Je reconnais cet endroit!

     Je suis partie avec une heure d'avance, j'arrive donc avec une heure... de retard. J'ai comme un sentiment de déjà vu. Si on suit la logique de mes aventures, je devrais partir avec une heure de retard la prochaine fois. Avec un peu de chance j'arriverais en avance. Quoique je doute que ça fonctionne réellement comme ça...

*J'adore faire ça! Revenir sur mes pas, c'est un peu comme un hobbie pour moi. Ou une addiction plutôt, je me vois difficilement vivre sans... VDM.