Mercredi 10 Juin (J-12). C'est mon jour de repos, donc naturellement, il pleut. Bon... Ben je vais lui demander si on peut changer avec demain... Merci, c'est trop gentil. En même temps, heureusement que t'as dit oui, je t'ai attendue quatre heures, je suis debout depuis 5h du mat'. Il faut dire que je pensais prendre le métro assez tôt, je savais pas... J'aurais dû m'en douter vous me direz. À tous les coups, demain ce sera la même... Mais j'évite les prévisions météo, des fois que ça me porte malheur...

      Hier, Alex m'a annoncé qu'elle avait trouvé une autre famille avec une petite fille de cinq ans, à Suchuan, dans le Sud. Sur le coup, ça paraissait bien, de toutes façons je voulais aller dans le Sud, et aux frais de l'agence c'est pas plus mal. Seulement, comme tout un chacun sait, la nuit porte conseil, et j'ai donc réfléchi. (Avec l'aide de ma mère qui s'inquiète, hein, croyez pas que j'y arrive toute seule.) Mon expérience m'a prouvé que c'était pas toujours très simple: j'ai été mise à la porte par la femme qui m'a faite venir de France. Si ça se passe loin de Pékin, j'ai plus l'agence pour m'aider, je suis toute seule, je parle pas la langue, et la famille est pas bonne en Anglais. On pourrait appeler ça un inconvénient.

      Ce matin, en allant chercher encore plus profondément dans mes pensées, je me dis que eux, je sais qu'ils sont gentils, que je m'entends bien avec le petit... Et comme en ce moment je fais cinquante heures par semaine* au lieu de trente, elle m'a proposé de me payer plus ou de me donner plus de temps libre en Septembre. Septembre, ça vous parle? C'est le mois conseillé pour visiter la Chine. Alors je lui demande si c'est possible que je sois en congé le mois entier. Une demi heure et cent cinquante schémas plus tard, quand elle a enfin compris, elle me dit oui. Elle est pas belle la vie? Après tout, Septembre, c'est jamais que dans douze semaines... Je survivrai d'ici là, ma chambre est propre, je l'ai désinfectée quand je suis arrivée. Pour le reste, je me laverai les mains plus souvent que d'ordinaire.

      Quand je suis partie en Australie, j'ai tout bien planifié. Trop bien planifié en fait. À tel point que ça m'a joué des tours. Cette fois, c'est décidé je pars avec mon sac à dos, mon tapis de sport (qui pourra servir de matelas à l'occasion), ma bonne humeur et mon mp3,** mon sens de l'orientation et une carte. Surtout une carte.

      Il faudra que je pense à bien me renseigner sur les dangers de la Chine avant. Ce serait dommage de tomber sur un ours polaire enragé qui prendrait bien une petite LillyT pour son quatre heure. Ou alors, il faut qu'il parle Anglais. Pour que je puisse lui demander d'épargner mon passeport et qu'on puisse vous donner la raison pour laquelle je ne vous écris plus.

      Dangereux? Comment ça dangereux? Je pars à l'aventure, y'a rien de plus merveilleux. Si, si, je vous assure: "d'aventure en aventure, de train en train, de port en port, jamais encore je te le jure..." Euh, non pardon, c'est pas ça, rien à voir. Mauvaise citation. Mon clavier a fourché. C'est le mot aventure qui m'a perturbée. Alors, je reprends. Comment dire...? Vous avez tous vu Le Roi Lion? Eh bien, "le danger? Je me ris du danger!" *** Quoique... Quand on pense à ce qui vient après, c'était peut-être pas la meilleure du monde non plus. Si le but c'est de vous rassurer...

      Trop de citations? Comment ça trop de citations? Mon frère et moi parlons en citation, j'écris en citation... Que voulez-vous? Je ne vis que pour citer les grands de ce monde! Shakespeare, Walt Disney, Serge Lama, Maggie Smith... Ah, si! Je vous assure qu'elle l'est. Vous l'avez vue à côté de Michael Gambon? Elle fait au moins 1m60... Blague à part, pour moi elle l'est depuis quatorze ans. Eh oui, j'ai calculé. Harry Potter et la pierre philosophale, c'est 2001, on est d'accord? Merci.

* Vous serez donc gentils d'arrêter de vous plaindre de vos trente cinq heures ou de dire que les jeunes bossent pas, ou encore que tout leur est servi sur un plateau d'or de nos jours... et surtout de dire qu'ils ne font rien quand ils prennent une année sabbatique (ou six mois dans mon cas). Il y a une très grande différence entre une année sabbatique (durant laquelle on arrête provisoirement les études) et des vacances. C'est pas parce qu'on est pas à la fac qu'on fait rien.

** Très important le mp3 pour la bonne humeur, pour ne pas dire vital. Ben oui, le play-back ça me donne des ailes...

*** Celle-là, elle était spéciale dédicace, Yume, comme tu t'en doutes.

<PS>   J'ai fait les vidéo de Cleo the Hurricane pour la troisième fois en cinq jours ce soir. (Entre, j'ai eu un jour de contorsion et un de repos bien mérité pour ne pas dire nécessaire.) Si demain je peux pas marcher, je prends un vol direct pour l'Australie, et je lui fais avaler ses médailles. Oh! Et je vous ai pas dit le plus important. Je l'ai fait en souriant. Pas tout quand même, hein...

      Mardi 9 Juin (J-13). On sait tous qu'il n'y a qu'une seule personne qui me guide dans la vie: le petit ange sur mon épaule droite. Ce matin, il me suggère de laver les quelques ustensiles de cuisine qui ne le sont pas (dans la mesure où, la cuisinière étant partie, c'est la grand mère qui s'en occupe et qu'elle n'a pas fini de déjeuner). Attentive et emplie de bonté, je m'exécute. Jésus, Marie, Joseph! Que n'ai-je fais? Cette poêle, qui doit faire partie de la famille depuis au moins un demi siècle, n'a sûrement jamais été lavée qu'à l'intérieur. L'extérieur semble n'avoir jamais connu d'éponge... Je veux bien y passer dix minutes pour enlever quelques couches, mais pas une heure, faites-moi confiance... Elle est loin de scintiller, mais un peu ça va, je la mets à égoutter*. Si vous voulez mon avis, elle est comme beaucoup de choses ici: irrécupérable.

      Passons aux choses qui ont de l'importance, voulez-vous? Aujourd'hui est un grand jour. Six a changé son pyjama. Le haut a la même forme et est aussi propre que le précédent. Peut-être qu'il a juste viré au rose pendant la nuit, qui sait? Ou qu'il l'a changé pour faire joli, mais qu'il a été lavé à peu près autant de fois que ses ongles et ses dents...? C'est à dire jamais, en fait. En tous cas, il est plus décent que d'habitude, le bas est un pantalon. Bariolé avec à peu près tout sauf la couleur du haut, mais comme de toutes façons on voit presque plus le rose délavé du débardeur avec les centaines de milliers de taches qu'il y a dessus... Je sais pas si on aurait pu assortir quoi que ce soit à ce machin de façon harmonieuse. Parce que, à lui tout seul, il est pas harmonieux du tout...**

      Ne vous moquez pas de Six. C'est pas de sa faute s'il s'est pas changé en deux semaines. C'est un peu comme une tradition familiale. La grand mère porte toujours les mêmes vêtements, la mère ne les a changés qu'une fois, quant à la cuisinière, je ne l'ai vue avec autre chose que ce que je suppose être son pyjama qu'une seule fois: le soir de son départ. C'était il y a deux jours. En parlant de ça, ça m'inquiète qu'elle soit plus là parce que je crois que c'était elle qui faisait le ménage. Après, je suis pas 100% sûre qu'elle et moi ayons la même définition du mot, mais je l'ai entendue passer l'aspirateur une fois, à l'étage. Peut-être qu'elle a profité de l'occasion, parce que je venais de m'en servir... Il était dehors et elle s'est dit: "Tiens! Pourquoi pas? Ça fait deux ans que j'y ai pas touché..." Enfin, moi je dis ça, je sais pas, ça fait peut-être plus longtemps...

      Bref, pour en revenir à son départ, je sais pas si elle est en vacances ou autre, ils m'ont rien dit. Du coup, maintenant je mange toute seule, face à l'horloge, alors j'ai téléchargé l'application Radio UK pour que BBC1 me tienne compagnie... Mais ça reste dommage qu'elle soit plus là, quand elle voulait me parler d'elle, la mère l'appelait "Sœur Li." Ça me faisait rire, j'avais l'impression qu'elle me parlait d'une religieuse à chaque fois... Il me tarde qu'elle revienne.

* Rien à voir avec l'article, ni même la Chine, mais ça me fait tellement rire qu'il faut que je vous le dise. Non sans honte, je dois l'admettre. Pour vous prouver qu'il y a une très grande différence entre écrire à l'ordinateur et écrire à la main, j'ai écrit "égoutter" "égoûter." Ça me va pas de me lever à 4h du mat', faut que je dorme... Je vous rassure, ça reste pas longtemps, je l'enlève dans la seconde. Mais tout de même... Quand en plus je pense que je suis meilleure en orthographe qu'au moins 60% des Français de ma génération, ça fait peur... (Oui, je vous assure, le niveau est vraiment inquiétant, et mon petit séjour en STAPS me l'a prouvé, même les profs sont pas au point.)

** Je vous rassure, Six n'a pas tout changé il continue de se moucher dans son T-shirt à longueur de temps...

     Lundi 8 Juin (J-14). Journée normale pleine de banalités. Le petit est pyjama, sans sous-vêtements, les jambes écartées*. Classe, y'a pas à dire... Je fais étudier le grand, qui invente les mots au lieu de les lire. Y'a vraiment des jours où j'me demande... Et on se met au chant avec Six. Comme Twinkle Twinkle Littlet Star et The Wheels On The Bus Go Round And Round ça va cinq minutes, j'ai décidé qu'on ferait la comptine de Doctor Who, "Tick tock goes the clock, and you and I must die." C'est bien, comme ça, ça me la fait apprendre, je suis contente... Et elle lui plaît, alors pourquoi s'en priver?

      Six a enfin changé son refrain. Quand il ne sait pas quoi dire, il me demande systématiquement: "Si tu vois un monstre, qu'est-ce que tu fais?" Et dès que je donne une réponse... "Tu peux pas, qu'est-ce que tu fais?" Il peut tenir comme ça des heures durant. Mais aujourd'hui, comme on joue aux Magnetos et qu'on a construit une maison (encore une...), il troque exceptionnellement son éternelle question contre: "Si tu es dans la maison et qu'elle est en feu, qu'est-ce que tu fais?" ** Après qu'il m'a gentiment dit une cinquantaine de fois que je peux pas, je lui dit que si, je suis Wonder Woman***. "Cette fois, tu l'es pas, qu'est-ce que tu fais?" Ça veut dire que d'habitude je le suis? Quelle haute opinion tu as de moi, mon petit!

La petite attention du jour: Hier, j'ai demandé si c'était possible d'avoir une autre serviette de bain, parce que quand je me lave les cheveux, c'est beaucoup plus simple. Ils m'ont dit qu'ils n'en avaient pas, mais qu'ils en achèteraient une. Évidemment, j'ai répondu "non, merci, je me débrouillerai." Aujourd'hui, ils m'en donnent deux. Mais arrêtez d'être gentils, c'est insupportable, ça! Je suis entrain de planifier mon départ dans votre dos, parce qu'Alex préfère ne pas vous en parler pour l'instant. Mais j'ai des scrupules moi! Quoique, quand je touche un jouet ou que je rentre dans ma chambre et vois les piles de cartons, ça va beaucoup mieux. Remarquez, faut voir le bon côté des choses, c'est pratique le carton, avec quelques-uns qui étaient vides, je me suis fabriqué deux poubelles et un panier à linge...

*C'est un short, bien sûr...

** Cet enfant m'inquiète profondément, il a l'esprit tellement tordu qu'il me fait penser à Yume...

*** Je ris toute seule, ça me fait penser à Wonder Colette, et je vois Nathalie Baye dans son costume entrain de danser, c'est à pleurer... C'est décidé, ce soir je me démêle devant Les Reines du Ring.

      Dimanche 7 Juin (J-15). Dix a reçu il y a quelques jours un puzzle en 3D. C'est un bateau, ça fait donc trois jours que, comme il a à peu près autant de conversation que son frère, il me demande inlassablement la même chose: "je peux le mettre à l'eau?" OK, alors comme apparemment t'as pas compris les cinquante premières fois, je vais répéter. C'EST DU CARTON! Si tu le mouilles, il survivra pas. Réponse: "OK." Comme je le disais, beaucoup de conversation.

      Il vient de le terminer, donc naturellement, il n'a qu'une seule envie... "Je le veux plus," qu'il me dit. Tu le veux plus, d'accord, c'est bien. "Mais, je pense qu'avant de le détruire, tu devrais demander à tes parents. L'argent pousse pas sur les arbres..." Quoique... En regardant autour de moi, je me dis que peut être que si, il faudra que je pense à aller faire un tour dans le jardin...

      Comme il est très attentif, il rempli plusieurs bassine d'eau avant d'en trouver une dans laquelle éventuellement il pourrait rentrer. Ce malgré mes conseils insistants: "Avant de remplir ta bassine, vérifie qu'il rentre, je suis sûre que c'est pas le cas." Cause toujours... Non, arrête fais pas ça! T'es fou! Tu vas mettre de l'eau partout... Cet inconscient veut vider les bassines les unes dans les autres. Et il m'écoute pas en plus! Eh ben, voilà, maintenant, t'as plus qu'à nettoyer. Parce que c'est pas moi qui vais le faire.

La déception du jour: Ce soir, session Skype avec mon Petit Frère préféré. On parle de la pluie, du beau temps, de You Tube qui est bloqué, parce que "Bienvenue en Chine"... Personnellement, je trouve que c'est un crime. Comme Petit Frère brille par son intelligence, il me dit "t'as toujours Dailymotion." En me disant ça, il ne pense plus que l'intelligence, c'est génétique: "Ça marche pas non plus." Alors, comme il est gentil, il m'a mis une vidéo de Florence Foresti.* Je lui montre mon masque de survie. "On dirait une ninja dans les Mangas." "Ou une terroriste..." Non, la déception, c'est pas ça. La déception, c'est que, au moment de se quitter, on voit que notre conversation a duré 2h29. Comme je disais tout à l'heure, l'intelligence, c'est de famille. Alors on a tous les deux la même idée incroyable: "on arrête à 2h30?" Comme quoi, on est bien frère et sœur, y'a pas de doute. Seulement voilà, il l'a arrêtée à 2h29min58sec. Il me soutien qu'il y avait marqué 02:30:00, mais... Pourrais-je un jour lui pardonner? Je ne saurais le dire.**

* Comme on la citait, il m'a mis les Vœux 2005, dans On a tout essayé.

** Cf: Criquette Rockwell (Anne Dorval), Le Cœur a ses raisons.

     Samedi 6 Juin (J-16). Pour la première fois depuis un mois, ma journée a très bien commencé. Une demi heure de yoga sur mon nouveau tapis rose. Ça fait du bien. Après ça, une douche froide! Le matin, j'ai pas le temps d'attendre que l'eau chaude se décide à venir, et puis il paraît que ça raffermit les cuisses, alors raffermissons.

      En fin de journée, la mère veut qu'on fasse un peu de sport avec Bowen (c'est le vrai nom de Dix). D'abord de la corde à sauter, avant de le remettre à la lecture, et ensuite elle me demande si j'accepterais qu'on aille courir tous les deux. OK, pas de problème, je vais chercher mon jogging et je suis toute à toi.

     On retrouve la mère et Six au parc où je les surprend avec mes muscles de déesse. Ben oui, les deux petits, ils ont une force de fille, ils tiennent pas sur leurs bras... Moi, non seulement je tiens, mais en plus je fais des abdos, alors tu comprends qu'ils sont impressionnés. Fallait pas me lancer, maintenant je peux plus m'arrêter... Et pour preuve: au retour en voyant qu'il est 20h15, je calcule mon temps de travail du jour. "Comme il est plutôt tard et que j'ai travaillé huit heure et demi aujourd'hui, est-ce que je peux ne recommencer que demain ou vous avez besoin de moi? Vraiment? Merci, c'est gentil." Évidemment ça se passe pas tout à fait comme ça: Dix nous sert de traducteur.

      Ah! Pour tout vous dire, je suis chaude comme la braise. J'ai dû faire plus d'une heure de cardio avec Bowen*. Là, j'ai plus qu'à sortir mon tapis rose, j'allume mon ordinateur et je vais enfin pouvoir finir ma journée comme je ne l'ai pas fait depuis mon arrivée: je me mets les chapitres 2, 3, 4 et 5** de Rocking Legs'n'abs, de Cleo the Hurricane. En tout, ça fait 25 minutes. Mais, mettons-nous d'accord, c'est pas les Fitness Master Class de Lucile Woodward sur You Tube. Le but ultime de ces vidéos, c'est de tuer les personnes qui les regardent, un peu comme Tamara dans Le Cercle (c'est un film d'horreur). À la différence que tu meurs pas sept jours plus tard, mais dès que tu as fini les exercices. Cette femme est une meurtrière en puissance. (Décidément, je suis cernée...) Je suis quand même très fière de moi, j'ai beau ne pas avoir fait ses vidéos depuis presque deux mois (en sachant que les quelques dernières séances ont été précédées d'un repos complet d'au moins dix semaines pour cause de déchirure musculaire), j'en arrive à bout*** et je ne l'insulte pas une seule fois. C'était encore jamais arrivé. D'habitude, elle s'en prend vraiment plein la figure la pauvre. Remarquez, ça a pas l'air de trop la déranger. Elle continue de sourire en te disant "nearly there" alors que toi, t'as qu'une envie, c'est lui faire avaler son DVD après l'avoir assommée avec... Bon, je suis épuisée. Je fais mes écarts**** et je vais me doucher... à l'eau froide, ça fait du bien après le sport. Surtout après Cleo en fait...

      Alors ça, si je m'y attendais! Je trouvais que ma journée c'était super bien terminée à coups de jambes et d'abdos, mais il vient de m'arriver un truc improbable. (Oui, encore un, je m'en lasse pas...) La mère frappe à ma porte. "Est-ce que tu aimes aller courir le matin? Tu prendrais Bowen avec toi?" Attends... Tu veux me payer pour que j'aille courir? Le matin? À 8h? Cool. On commence quand? Dis, j'aurais le droit de faire de la muscu après?

      Elle aurait pas pu me rendre plus heureuse.

* Enfin, moi oui, parce que quand il s'arrêtait je courrais sur place, lui, c'est moins sûr...

** Le chapitre 1, c'est pas la peine, je me considère comme échauffée...

*** Alors qu'il m'est déjà arrivé de tricher sur les jambes, je l'avoue sans honte. Faites-en la moitié, pour commencer, et vous aurez peut-être le droit de critiquer...

**** J'ai perdu un peu sur l'over-split, mais je l'ai quand même toujours, ça rassure.

     Vendredi 5 Juin (J-17). Pour fêter la reprise, le soleil brille! J'ai une chance incontestable... Ça veut dire que je vais passer la journée à l'intérieur à étouffer. En plus, Six met mon talent créatif à l'épreuve, il est pas au courant que c'est dangereux: il me fait construire une maison. D'accord, mais si elle s'écroule, tu viens pas pleurer...

      Ça y'est j'ai mon câble pour internet et mon tapis de sport. Ils les ont commandés sur internet, ça vient d'être livré. Le câble est trop court, mais je mets l'ordi à côté de la porte, j'étale le tapis devant et je m'allonge dessus. C'est plutôt pas mal que les deux soient arrivés en même temps, ils se complètent.

      Sinon, c'est une journée ordinaire qui se finit comme toutes les autres... En musique. L'eau chaude prend tout son temps pour arriver,* alors en l'attendant, je prends ma brosse pour un micro... Quand je dis qu'elle prend son temps, c'est euphémisme: j'ai presque le temps de finir Speechless de Lady Gaga. Vous avez vu, c'est déjà le soir. C'est passé vite, hein? En fait, aujourd'hui, il s'est rien passé. À part que... c'est J-17!

      En même temps il faut être raisonnable! On peut pas avoir trop d'articles biens qui se suivent, sinon après on s'en lasse...**

* Mais quand elle est là, elle fait pas semblant. Le robinet a beau être à peine ouvert et celui de l'eau froide à fond, t'as le choix entre chaud, très chaud, trop chaud, "Oh my God, Miercolès, c'est quoi ce truc!?", bouillant, dangereux et morte.

** Et j'aurais difficilement pu en faire un aussi (littéralement) incroyable que le précédent...

     Toujours Jeudi 4 Juin (Toujours J-18). Hier soir, et encore ce matin en me levant, j'étais persuadée qu'il me faudrait trouver quelque chose pour compléter la page d'aujourd'hui, pensant naïvement que ce serait une journée dépourvue d'intérêts et de rebondissements. Comme quoi, il ne faut jamais rien prendre pour argent comptant. J'en suis à mon deuxième article pour la même journée, et c'est pas le plus triste.

      Trois heures après être arrivée au centre commercial, je repars bredouille. La pluie ne s'est pas calmée, au contraire, alors je reprends le métro. Je paye mes 4Y pour trois stations et je prends le chemin du retour. Comme je vis toujours dans une comédie musicale (y'a des choses qui changent pas) et qu'il n'y a personne, je me prends pour Mary Poppins. Sauf que je ne sais pas si vous avez fait attention, mais Julie Andrews a les cheveux attachés dans le film. Les miens ne le sont pas. J'ai donc l'air super sexy en déroulant ma mèche du parapluie. Je lève les yeux, et là qu'est-ce que je vois? Non, mais c'est pas possible, ils sont dyslexiques dans ce pays. C'est pas Scott Kristin Thomas, à ce que je sache!?

     J'arrive à l'entrée de la résidence et je me fais arrêter par le gardien. Je tente de lui expliquer que j'habite ici. Dans la mesure où je parle Anglais et suis en Chine, c'est pas crédible du tout. Surtout quand il ne parle pas Anglais, ni ne le comprend d'ailleurs. Enfin, si, un peu. Il m'a écrit sur son cahier "house number." Mais je le connais pas. Mais il me comprend pas. Et il me fait signe de leur téléphoner. Non, je peux pas, mon téléphone marche pas, et j'ai pas leur numéro, j'ai que le We Chat de la mère et même si j'avais internet, elle répond jamais.

     Apparemment il a pas compris parce qu'après cinq minutes de silence, il me refait signe d'appeler. OK, donne-moi ton stylo, je vais t'expliquer un truc. "It doesn't work." Non, trop compliqué, j'essaye autre chose. "No money," "no power." Bon sang, mais ça sert à quoi que je m'applique à écrire comme il faut!? "OFF." Tu comprends là? On dirait. Mais apparemment, ça te passe au-dessus. On continue la discut' en Anglais alors* (après un temps mort, bien sûr, mon copain est pas très bavard). "J'habite ici, vous voulez pas me laisser rentrer, je suis censée faire quoi? Dormir dehors?" Pas de réponse. Je dois prendre ça pour un "oui"...? Désespérée, je lui propose de fouiller mes sacs. Rien à faire. Bon ben, on attend alors. Tu fais comme tu veux, moi j'irai nulle part. J'habite à 100m et j'ai tout mon temps.

      A bout d'un moment, il semble comprendre que je bougerai pas. Il appelle son collègue et ils me font rentrer dans le bureau. Il me montre le téléphone pour que j'appelle. OK, donc je répète. J'ai pas le numéro! Vous le faites exprès de pas comprendre? On essaye de communiquer comme on peut, il me montre une carte dans l'espoir que je puisse lui montrer la maison. Ben t'es gentil, mais j'ai toujours pas le numéro de la maison, je sais quelle rue c'est, mais après, je peux pas être beaucoup plus précise. On essaye d'appeler plusieurs personnes (parce qu'ils ont les numéros de tout le monde à la sécurité), c'est jamais les bonnes...

      Je trouve que ça commence à faire long, alors je lui propose de garder mon passeport le temps que j'aille à la maison et lui ramène le numéro de téléphone ou un mot de la famille. Je parle, j'écris... Rien à faire. J'en peux plus, je parle à moitié Français à moitié Anglais... Ça commence à devenir vraiment n'importe quoi...

      Ça va durer combien de temps? Vous allez quand même pas me laisser dehors? Mais c'est pas possible... J'habite ici... Non, je sais toujours pas le numéro, ça a pas changé depuis deux minutes. Enfin, une demi heure... Non, mais le téléphone non plus, ça non plus ça a pas changé... J'en peux plus, je vide mon sac sur la table. Je suis pas une terroriste. J'ai pas d'armes, je vais tuer personne. No weapons... Arrête de me montrer ton plan, je le connais par cœur à force. La rue, c'est celle-là, voilà... Je sais où j'habite... Je sais comment y aller... Mais je connais pas le numéro. Maison, téléphone, immatriculation...Rien. Nada. Alors je peux pas te le donner... Leur nom non plus, non...

      Encore et encore les mêmes questions. Beaucoup auraient fondu en larmes, mais je reste forte. En fait, pour vous dire la vérité, je ris toute seule. Ça les fait sourire, ils comprennent bien que je dois être désespérée et c'est quand même extraordinaire comme situation. Ça fait trois quarts d'heure que je dis la même chose, trois quarts d'heure qu'ils comprennent rien. Et je les comprends pas d'avantage. Pourquoi tu me donnes le téléphone toi? "Allô?" Oh, la Madame, elle parle Anglais! Enfin, elle parle, elle parle... C'est un bien grand mot. Mieux qu'eux en tous cas, on peut pas le lui enlever. Mais elle est quand même très, très longue à la détente.

      Apparemment, elle a pas tout compris, mais elle me dit d'aller la voir et m'explique comment... OK, je peux sortir alors? OK, merci. Mais un vigile m'interpelle et m'emmène à l'extérieur. Non... C'est pas vrai. Me dites pas que... Et si! Il veut me faire monter dans un taxi. "Mais j'habite ici! I live here!" ** Rassurez-moi, je parle pas Chinois quand même? Bon, ben alors, il est où le problème? Ça m'énerve les gens comme ça... Insupportable. Bref, quand j'arrive à nouveau dans le bureau, on me repasse le téléphone. Toujours la même Bilingue. Et toujours le même niveau. Ben quoi, en deux minutes elle aurait pu progresser, non?

      Un des vigiles me met dans une voiture de golf et m'emmène à l'accueil pour que je puisse rencontrer ma traductrice personnelle. Au fil de la conversation, je comprends qu'elle travaille à la garderie. Mais comme elle prononce pas les bonnes lettres et qu'elle comprend pas tout tout bien, c'est pas facile facile... Ah tu viens de France? Et tu parles pas Chinois? Et ça fait à peine une semaine que t'es là? Et en Chine? Un mois et demi... Et tu habites ici? Bon et cette famille alors, tu fais quoi pour eux exactement? Et t'as pas leur numéro? OK, là j'en peux plus, je vais te faire comprendre la situation en te parlant comme à une gosse. Je vais te dire cinquante fois la même chose de façons différentes, et surtout très lentement... Alléluia! Ben on peut y aller alors? Allez, tous en voiture de golf! Ça surprend au démarrage, hein, personnellement, je suis pas habituée aux manèges à sensations.

      On arrive devant la maison, on sonne, le père ouvre la porte, et la mère prend la relève. Quelque chose se passe. Quoi? Je peux pas dire. Je comprends pas le Chinois. La mère me dit que le numéro de la maison est écrit à côté du portail. Merci, t'es gentille, j'aurais pas deviné. Par contre, un truc qu'il est certain que je ne pouvais pas deviner, c'était que j'en avais besoin pour rentrer, ainsi que du numéro de téléphone. Ça t'a pas effleurée de me le dire? C'est quoi déjà? "Je te l'ai donné." OK, alors on va rester calme. Je te parlais pas du numéro de téléphone, encore que ça te tuerait pas de me le redonner, je te parlais du numéro de la maison, que tu as dit il y a une minute. Je suis en chaussons, le numéro de chez toi, tu le connais, je vais pas ressortir pour le récupérer sur le portail. "3-7-0." Merci. Tu vois? T'as survécu. Alors ton air et ton ton supérieurs et agacés, tu te les ravales, merci. C'est moi qui devrais être en colère. Relativise un peu! Tu vas pas me bousiller ma journée alors que je suis au bord des larmes! De rire, bien sûr... C'était plutôt extraordinaire comme après midi.

      J'ai mis une heure et demi en tout à réussir à leur faire comprendre que je savais où j'habitais. C'est un record mondial. Une heure et demi ça paraît long comme ça, mais dans les faits, ça l'est encore plus. Et autant vous dire que cette heure et demi là, je ne l'échangerai pour rien au monde, parce qu'en y pensant, je peux plus m'arrêter de rire. On va le faire ce film. Elle est trop mythique ma vie. Même quand je crois qu'il ne peut rien m'arriver de plus merveilleux, y'a toujours un truc improbable qui se pointe.

Avis aux producteurs de renommée mondiale qui lisent mon blog: Si vous voulez m'acheter les droits, n'hésitez pas. Ça va faire un carton. Laissez-moi un petit mot à dire sur le casting, et je signe quand vous voulez.

* Arrêtez de me demander pourquoi, la réponse est toujours "je sais pas." En fait, je me sens trahie au plus profond de moi. Mes professeurs m'ont répété toute mon enfance "avec l'Anglais, tu peux aller partout." Non, c'est pas vrai. En Chine ils comprennent pas. Même ma mère elle a un niveau plus élevé! Et c'est pas peu dire...

** Oui, je le fais en bilingue maintenant, y'a plus de chance pour qu'ils comprennent... Ou pas.

     Jeudi 4 Juin (J-18). Ça fait une semaine que je suis là, ça fait une semaine que je crois mourir tellement il fait chaud. Aujourd'hui, c'est mon jour de congé. J'ouvre mes rideaux, y'a pas de soleil. C'est pas plus mal, ce sera supportable comme ça, au moins. Je regarde un peu mon plan... sauf que je sais pas où je suis, alors je le range: aujourd'hui, j'improvise. Dieu du ciel! Quelle improvisation! Je devrais pas penser des trucs comme ça si tôt le matin, moi, c'est trop dangereux. Surtout avec la chance que j'ai eu jusqu'ici...

     J'explique à la mère (ou plutôt au traducteur de son téléphone) que je n'ai pas faim et ne déjeunerai donc pas. Bien entendu, je ne lui dis pas que c'est parce que, ne sachant ce que la cuisinière allait encore me faire comme plat prohibé par tout diététicien sain d'esprit, j'ai mangé du pain en me levant, que j'ai trempé dans... du café! Enfin, Nescafé, mais ne soyons pas difficile. Il m'en reste encore, alors je savoure. Je lui dis aussi que je ne mangerai pas à midi, ni ce soir. Je sors et je ne sais pas à quelle heure je rentre, vu que je ne sais pas où je vais, alors je mangerai mon petit déjeuner à mon retour et après, si j'ai faim, des fruits.

     Comme Dieu existe, elle a compris et me demande si j'ai besoin d'un parapluie. "Non, merci, j'ai le mien." C'est vrai que c'est un peu nuageux, je pourrais le prendre en cas, mais ça prend de la place quand mê... Mince! Mais j'avais pas vu ça. Il pleut. Ça fait une semaine que je meurs de chaud, et il pleut pour mon jour de repos!? Je sais pas pourquoi ma malchance m'étonne encore. C'est vrai, je devrais être vaccinée depuis le temps...

     Bon. Qu'est-ce que j'ai fait de mon parapluie? Excellente question. La dernière fois que je l'ai vu c'était... ici. Je suis sûre que c'était ici. Enfin, presque. Il est passé où encore? Petit, petit, petit... Oui, je parle à mon parapluie, et alors!? Il demeure introuvable. Donc, évidemment, comme je suis moi, je pars en cacahuète... "Where is my umbrella?" Et je lui parle, pour la faire venir. Oui, je parle d'elle au féminin, parce que umbrella, ça finit par a et que ça ressemble beaucoup au mot ombrelle en Français. Nom féminin. J'ai dû la ranger. "Faut que j'arrête de ranger, je retrouve plus rien après." Si ma mère m'entendait... Ah! Mais tu t'étais cachée là vilaine. T'as pas idée de me faire des frayeurs pareilles! Allez, viens, on y va.

     J'ai le plan pour aller au métro. Je le regarde bien, comme ça je peux le ranger dans mon sac: je sors, je vais à gauche puis encore à gauche, là je fais ça, ça... OK. Donc, je sors, je vais à gauche, comme je suis intelligente, je tourne à droite... Mon sens de l'orientation m'épate. Il est unique, j'en suis certaine. J'ai regardé mon plan y'a deux minutes maxi. Sur ma route, une voiture s'arrête et un homme me parle. Je comprends qu'il veut m'emmener. Euh, non merci, sans façons. S'il faut, il est plein de bonnes intentions, parce qu'il pleut à torrents, mais on sait jamais. En me voyant comme ça, sur le trottoir, il a peut-être eu une envie irrépressible de me violer, de me découper en morceaux et de me jeter aux pandas du zoo. C'est quand Kyra Pachenka n'est pas là qu'elle a le plus d'influence sur moi...*

     Au bout d'un quart d'heure quand même, je m'inquiète. Ben oui, le père m'a dit que la station était à 1km. Le kilomètre, il commence à être long. Enfin, je trouve. Je regarde mon plan. Alors, à gauche, c'est bon, ensuite à... gauche... Mais quelle blonde! Allez, demi-tour. Je marche, je trottine, je gambade sur des musiques diverses et variées, je prends des photos, "L’accu-pile est déchargé," les... Quoi? Déchargé? Mais il était à bloc! Décidément, cet appareil est maudit, il m'a lâchement abandonnée à Whiteheaven Beach, et là, ça fait à peine un mois et des poussières que je suis en Chine et il tient plus la charge... Je le range alors, s'il faut c'est juste pour cette fois, j'en saurais plus après avoir retenté. Bon ben, je marche. Oh! Un métro aérien, on se croirait à Jolimont. Quelle délicate attention! Ils savaient que je viendrais, alors ils ont pas fait un métro sous-terrain. Comme ça je peux le suivre, je risque pas de me perdre, j'arrive direct à la station. Station qui n'est d'ailleurs pas celle qu'on m'avait indiquée, mais la suivante. J'en ai de la chance dans mon malheur! Et moi qui étais persuadée d'avoir suivi mon plan... Je suis pas sûre d'avoir un très bon instinct.

     Improvisons, improvisons. Où est ce que je vais? Oh, cette station, elle a un nom Anglais, je vais aller là, tiens!... Pardon? Ça m'a coûté 4Y pour aller trois stations plus loin sans changer de ligne? Heureusement que le métro est visible, si je veux revenir quand il fait soleil, je le ferais à pieds. Qu'est-ce qu'on a ici? Oh, un centre commercial... Pile ce que je voulais! L'objectif de la journée, c'était acheter un tapis de sport. Depuis que je suis en Chine, j'ai pratiquement rien fait: deux séances de contorsion, deux de yoga, deux d'équilibres et trois ou quatre de cardio/muscu. Au bout d'un moment, faut se reprendre en main!

     Mais c'est qu'ils sont pas bêtes ces Chinois**! À l'entrée, ils donnent des sacs plastiques pour mettre le parapluie. C'est bien, ça leur évite de faire le ménage... Je mets un certain temps, mais je fini par trouver les boutiques de sport... C'est pas possible que ça existe pas les tapis de sport ici! Ah, enfin! Il coûte combien celui-là? Pardon? Mais ça coûte 4€ en France! T'espères quand même pas que je vais le payer 30€ en Chine!? En plus je peux même pas retirer, les machines sont en panne. C'est lamentable. Je me ballade et je trouve le parapluie de mes rêves. Seulement voilà, je n'ai jamais payé un parapluie 100€, et je n'ai en aucun cas l'intention de commencer aujourd'hui.

*C'est tout à fait son style d'être persuadée qu'elle va se faire violer et tuer dès qu'elle est seule. Même quand ellel'est pas: elle a peur de tout... Elle est Toutophobe.

** Juste au cas où vous en doutiez...

     <PS>     J'ai trouvé le barbelé pour ma robe. Je sais, c'est normal, n'essayez pas de comprendre, c'est entre mon frère et moi.

     Mercredi 3 Juin (J-19). Décidément, la communication est pas facile, facile... Hier, je lui ai demandé d'avoir soit Mercredi, soit Vendredi de repos à la place de Jeudi. Je lui ai expliqué que c'était pour mon cours de Chinois, que le prof était pas disponible Jeudi, qu'il me fallait un plan pour aller au métro, et que je devais le savoir en avance. D'abord pour prévenir le professeur, et ensuite, parce que je dois y être à 10h, ce qui veut dire que je dois être au métro à 8h. Comme elle comprend rien, je lui marque tout ça sur son traducteur... "Oui, oui, très bien je te dirais." Sauf que, évidemment, elle m'a pas dit.

     Ce matin, je lui demande Vendredi de repos et un plan pour aller au métro."Ah, mais Vendredi, c'est pas possible..." Euh... Tu te moques de moi, là? Tu m'écoutes quand je te parle? Attends, tais-toi une seconde, parce qu'en même temps, je textote avec Alex, qui me répond à côté de la plaque à chaque fois. Je sais pas si elle est consciente que dans son métier il est très recommandé de comprendre l'Anglais, dans la mesure où il consiste à aider les familles et les au pairs à communiquer. Non, parce que quand je lui dis que je ne peux pas prendre les cours de Chinois sur Skype parce que la connection internet est trop mauvaise et qu'elle me répond "ton ordinateur est cassé?" je me dis qu'y a des baffes qui se perdent. Et alors quand l'autre, à côté, elle comprend rien non plus malgré son traducteur et qu'en plus elle acquiesce, je me sens profondément impuissante. Si tu comprends pas un truc, tu le dis, c'est la base. Sinon, comment tu veux communiquer espèce de blonde!?

      Bien entendu, mon jour de repos, c'est pas Vendredi, c'est demain. Elle m'a dit qu'elle me donnerait un câble pour internet dans la journée, il est 18h30, j'attends toujours. En revanche le plan, je l'ai, mais sans explications, je vais pas aller loin. Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Alex doit passer pour qu'on discute de mon départ. Elle m'a pas dit quand, le plus tôt sera le mieux. Mais bon, dans la mesure où organisation=0... Il paraît que l'espoir fait vivre, espérons.

     Pour continuer sur notre thème Dialogue de sourds, vous vous rappelez que ma soeur se marie, que je dois tout miser sur mon corps de rêve, parce que les ongles, c'est mort, et que l'obésité me guette dangereusement? Oui? Parfait. J'ai donc expliqué à la mère que je ne dînerai plus, je me contenterai dorénavant de fruits, et que je ne voulais pas de friture. Ca faisait quand même trois jours que j'avais des frites faîches au petit déjeuner, au bout d'un moment, faut arrêter. Bien sûr, elle comprenait toujours rien, donc on s'est servies du traducteur... "D'accord, d'accord." J'ai naïvement pensé qu'elle avait compris la partie Je veux perdre du poids, j'avait plus de frites... Et hier soir, elle a appelé une amie qui parle Anglais pour savoir s'il y avait quelque chose que je ne pouvais pas manger. Comme elle m'avait déjà prouvé qu'elle avait pas compris la partie No diner, qui me semble pourtant pas si compliquée, je le répète à sa copine. En toute logique, ça devrait marcher... Sauf qu'à midi, elle a voulu me faire manger des frites, que j'ai poliment refusé: au bout d'un moment, c'est plus possible. Et là, elle veut me faire dîner. Je refuse gentiment, et là, je vois se dessiner sur son visage l'expression la plus surprise et abasourdie que je n'y ai jamais lue: "no diner?" Ouh là! T'as des soucis toi, non?

      20H30. Je suis mauvaise langue, Alex est venue. On a un peu parlé, elle compati à mon sort: elle recherche une nouvelle famille. En attendant, elle essaye de me faire prendre les cours de Chinois plus près d'ici. Merci c'est gentil, parce que deux heures aller, deux heures retour, pour revenir fauchée, ne pouvoir avoir qu'un cours par semaine... et puis un jour de repos, c'est pas censé être ça à la base.

      N'empêche que plus le temps passe, plus je me sens coupable de vouloir partir, ils sont vraiment gentils. Le père m'a imprimé un plan pour aller au métro et un plan du métro où il m'a entouré la station la plus proche, et ils vont m'acheter un câble pour que je puisse avoir accès à internet*. Mais j'avoue que dès que je rentre dans ma chambre et que je vois tous ces cartons et les meubles que je peux pas utiliser, je me sens beaucoup mieux. Il va quand même falloir trouver la famille parfaite pour les quitter. Autant Fey, ça commençait à être tellement dur que je me serais jetée dans les bras des premiers meurtriers venus,** autant là, je peux patienter un peu. Pas trop longtemps quand-même...

Ma minute de bonheur: Pour oublier ma culpabilité, dès que j'arrive dans ma chambre, je mets la musique (l'intégralité de mon mp3 en mode aléatoire) et je me mets à ma lessive, parce que c'est pas tout de laver, il faut rincer maintenant! Et ça, c'est une autre histoire... Je danse donc sur Mon vieux Léon, de Brassens, devant le miroir de ma salle de bain tout en rinçant mon linge. Par contre là, ça va plus être possible... I'm not dead, de Pink, ma folie irrépressible me suggère un truc relativement stupide là... Je n'y tiens plus. Oh, et puis zut! C'est pas grave, on s'en moque, je suis en soutien-gorge, dès que j'ai fini je vais à la douche, et celui-là il est rincé. J'attrape un T shirt et je me l'essore dessus. (Dès que je suis dans ma chambre et que la musique tourne, je quittes la planète.) Comme quoi il en faut peu pour être heureux. Si vous en doutiez, dans ma comédie musicale, on voit la vie en rose. D'ailleurs, y'aura pas que Lady Gaga à l'avant première, je vous invite tous, on va s'éclater! Bon j'arrête mon délire et je redescends. Mon vieux Léon ça m'a donné envie, ça fait longtemps. La liste de lecture ce soir, ce sera Georges Brassens***. "Elle est à toi cette chanson, toi, déesse qui sans façons..." Mince! Je me suis trompée dans les paroles... En plus, c'est pas précis du tout. Ça pourrait s'appliquer à quelques actrices dont j'ai l'extrême bonté de vous épargner les noms. Sinon, le programme de fin de soirée: démêlage devant Invasion of the Bane,**** et après ça, j'appelle ma nièce préférée pour son anniversaire...

* Faut se méfier quand même, parce que quand j'ai dit "organisation=0," je plaisantais pas. Les Chinois, entre ce qu'ils disent et ce qu'ils font...

** C'est d'ailleurs ce qu'il s'est passé... si on met à part que j'ai pas eu trop le choix.

*** Non, c'est vous qui devriez avoir honte! Excusez-moi, mais à partir d'un certain niveau, on appelle ça de la culture. Na!

**** Mais si, c'est l'épisode 0 de The Sarah Jane Adventure. Vous connaissez pas? Normal, c'est Anglais et c'est jamais sorti en France. C'est un spin-off de Doctor Who. Pou ceux qui savent pas, un spin-off, c'est une série dérivée d'une autre. Et j'ai choisi cette épisode tout à fait au hasard... Et c'est une coïncidence qui me surprend au plus au point que je récite les répliques d'Elisabeth Sladen et Samantha Bond en même temps qu'elles...

    Mardi 2 Juin (J-20). Trois heures de boulot le matin, trente minutes maximum le temps du repas et trois heures et demi en suivant. Elle me donne une pause de vingt minutes. Oh, merci, c'est trop gentil, fallait pas.. Je mets le minuteur sur le téléphone et je m'écroule sur mon lit. Je ferme les yeux, mais bien sûr, je ne dors pas, en vingt minutes j'ai pas le temps... Ou alors si, mais je me réveille plus. Et sinon, on arrête le débat ici, parce que, quoiqu'il en soit, je suis incapable de faire la sieste. Par contre ce que je peux faire, c'est regarder un film... Y'en a quelques-uns que je connais par cœur**. Je cherche dans mon cerveau... Tiens! Mamma Mia! Ça fait longtemps, et puis Meryl Streep au mois de Juin, ça semble s'imposer... En plus, c'est une comédie musicale, alors c'est en lien direct avec ma vie. Je décide de me passer la scène du mariage dans ma petite tête pleine de vide (et de films). Je l'adore, me demandez pas pourquoi. Je me la fais en Français et en Anglais. Oui, je le connais par cœur dans plusieurs langues, et alors!? Ne jugez pas comme ça, c'est très mal élevé. C'est mon moment préféré... "Tatatatata..." Aaaaaaaaaah! Non! Tais-toi! J'ai pas envie d'aller travailler là! C'est la scène du baiser, et juste après y'a When all is said and done... Tu m'as coupée dans mon rêve! Méchant portable! Bref, tout ça pour dire qu'aujurd'hui, il s'est rien passé.

Mot d'enfant: Au parc, une petite s'arrête sur mon passage et me fixe, concentrée, pendant bien vingt secondes. "Good morning." Il est tellement tard qu'il fait presque nuit, mais elle est trop mignonne, alors je réponds "Good morning."

* "Sans une chanson ou une danse, que sommes-nous?," Thank you for the music, ABBA

** Heureusement, parce que celui-là, en l'occurrence, je l'ai pas pris. J'aurais pas pu commettre pire crime je crois... Enfin, non. Je crois pas. J'en suis sûre.